Nous aimerions, pour commencer notre réflexion, resituer la pensée de Freud dans son contexte historique : la fin du XIXe siècle, dont l'historien Hobsbawm indique qu'il s'est achevé en 1914[1], à l'ouverture de la première grande guerre mondialisée. Cette fin du XIXe siècle qui précède les horreurs du XXe est marquée par une certaine idéologie du progrès, une certaine foi dans les Lumières et la Raison. C'est le triomphe de l'idée selon laquelle l'humanité dans son ensemble a une histoire commune, et que cette histoire universelle suit une même orientation, depuis l'aube des temps jusqu'à maintenant, orientation qui mène vers le mieux. Le mieux, en quel sens ? Au sens où l'humanité irait d'un stade animal à un stade conscient, d'un stade d'obscurantisme à un stade de lumière et d'éveil, d'un stade de barbarie à un stade de civilisation. Il y aurait donc, par-delà les vicissitudes historiques de la grandeur et de la décadence des peuples et des nations, une course commune et une de l'humanité, vers, disons, plus de Raison. [1] E. Hobsbawm, L'âge des extrêmes, histoire du court XXe siècle, 1994.